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LA DOUBLE MAÎTRESSE

ne trouvaient guère, à son endroit, ces traits précis et exacts que fournit seule l’intimité et dont se nourrit et se fortifie la médisance qui, sans eux, s’épuise ou tâtonne, imagine ou suppose et n’a point, pour s’exercer, d’aliment substantiel, faute de quoi elle reste générale, indécise et plus piquante que dangereuse. Tellement c’est en nous-mêmes qu’on prend le mieux de quoi nous dénigrer et qu’il est prudent de ne point s’offrir en pâture aux dents d’autrui.

Mme de Galandot donnait donc à reprendre en gros, succinctement et à distance. On ne s’en privait pas, à la ville surtout où elle avait irrité certaines prétentions et déconcerté certaines entreprises.

Quelques-unes de ces dames, dans les premières années du mariage de Mme de Galandot, voulurent, si l’on peut dire, forcer la porte de la nouvelle châtelaine. Elle les éconduisit l’une après l’autre avec une adresse et une fermeté parfaites et, par une habile manœuvre, en arriva à ses fins. Elle les relégua à bonne longueur et les y maintint, si bien que, ses relations mises au point où elle les désirait, elle ne les laissa jamais plus se départir du caractère qu’elle leur sut imposer.

En cela elle obéissait moins à un calcul qu’à un instinct qui, poussé selon son humeur personnelle, l’eût sans doute menée plus loin qu’il n’eût convenu à son mari qui tenait fort à rester en assez bons termes avec tout le monde pour mériter la réputation de politesse qu’on lui reconnaissait partout. À ces causes, Mme de Galandot n’alla pas jusqu’au bout de ses dispositions, et le grand car-