Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/424

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les éclairs se succédèrent sans relâche deux heures durant, ensuite de quoi une pluie régulière vint achever ce que l’averse avait si bien commencé.

Tandis que le gros de la troupe s’accommodait de son mieux dans un village pour y passer la nuit, notre avant-garde, dont nous étions, Créange et moi, s’alla loger dans un petit château dont nous aperçûmes par hasard, de loin, sous le ciel pluvieux, les tourelles pointues. Nos hommes s’abritèrent dans quelques masures voisines et tous deux nous poussâmes vers le manoir. Il faisait presque nuit quand nous entrâmes par une poterne voûtée dans une cour carrée bordée de bâtiments. Nous mîmes pied à terre et nous heurtâmes au logis. »

M. de Portebize, à la cour carrée, à la poterne et aux tourelles pointues, avait dressé l’oreille sans savoir pourquoi.

M. d’Oriocourt continua :

— « Nous fûmes reçus à merveille. Une haute cheminée flambait dans une grande salle basse. La maîtresse du lieu vint à notre rencontre. Elle paraissait forte et bien portante en ses vêtements de couleur sombre. Nous entrevîmes son visage qui nous sembla imposant et plein. Elle portait un trousseau de clefs à la ceinture et quitta son rouet pour nous recevoir.

« Tout d’abord un petit valet d’une quinzaine d’années, vêtu d’une souquenille rapiécée, nous conduisit à nos chambres. Les lits de serge, le carreau rougi, tout annonçait une honnête pauvreté. D’ailleurs, l’aspect délabré du dehors