Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/425

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l’annonçait déjà, et les écuries où nous avions vu mettre nos chevaux ne leur montraient aucun compagnon. Les araignées tissaient leurs toiles dans les mangeoires et les souris trottaient sur le sol sans litière. Nul sabot ne troublait leurs ébats. Nous nous trouvions sans doute chez quelque veuve de médiocre état et nous pensions y faire maigre chère. Au bout d’une heure, le petit gueux vint nous chercher pour souper.

« La table dressée nous surprit déjà par la propreté extrême et même par la recherche du service et l’abondance de l’éclairage. Notre hôtesse nous mit à ses côtés. Aux lumières, nous la vîmes mieux. Elle avait dû être fort belle et pouvait encore passer pour l’être. Sa quarantaine, et son surplus peut-être, restait fraîche et saine. Elle était grasse et vigoureuse. Son visage avait sans doute perdu sa finesse, mais la gaieté en demeurait avenante. Les mains fort blanches et le teint éclatant laissaient supposer que le reste avait dû conserver une fraîcheur secrète, comme il arrive souvent en pareil cas aux femmes de cet âge et de cette nature. »

M. de Portebize, à ce portrait, devenait de plus en plus attentif.

— « Mais où notre étonnement redoubla ce fut quand nous goûtâmes ce qu’on nous servit. Nous nous trouvions en face de la chère la plus substantielle et la plus délicate. Eh ! Mademoiselle Fanchon, quelles sauces et quels condiments ! Il se faisait là, dans ce vieux château, une cuisine digne de la table des princes. Nos compliments semblèrent