Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
LA DOUBLE MAÎTRESSE

Cette nette clarté qu’il avait des êtres lui permit de se rendre compte qu’il arrivait trop tard à Pont-aux-Belles où une influence déjà décisive et toute-puissante avait marqué à jamais l’esprit du jeune Nicolas de Galandot d’une empreinte plus que durable. On ne lui remettait entre les mains qu’une argile déjà sèche et sur laquelle le pouce ne pouvait guère imprimer sa guise. Il aurait fallu pulvériser cette âme, l’humecter et la pétrir de nouveau, mais à cela les quelques heures de leçon, qui étaient tout ce que la jalouse Mme de Galandot permettait à son fils chaque jour, ne suffisaient pas, bonnes tout au plus, à orner cet esprit, mais inefficaces à le refondre.

L’abbé vit promptement la situation, en prit son parti et se borna au possible.

Sous sa prudente direction, Nicolas fit d’assez notables progrès, au point de donner l’espoir qu’il devînt sinon un helléniste, du moins un latiniste de bonne force.

Ce ne fut pas sans réflexion que l’abbé se décida à le pousser en ce sens. Il estimait que la fréquentation des anciens rehausse ceux qui s’y vouent et leur communique, à leur insu, je ne sais quoi qui se ressent à la longue dans leur personne et dans leurs mœurs. Ils s’y renforcent singulièrement et ils y prennent comme une habitude qui les distingue, en même temps qu’il leur en reste malgré eux en leur langage une certaine dignité usuelle qui n’est point sans noblesse. À ces fins, l’abbé nourrit le jeune Nicolas de la substance des meilleurs textes, laissant au hasard le soin