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LA DOUBLE MAÎTRESSE

petites dents ; de l’autre, elle serrait bien fort un vieux pot à fard. Elle s’était amusée à s’en enluminer les joues, comme elle le voyait faire à sa tante. Son sommeil était éclatant, comique et délicieux. Ils ne la réveillèrent pas.

Il fut entendu que Julie partirait le lendemain avec M. du Fresnay chez qui elle passerait les deux tiers de l’année, et que l’abbé tâcherait de décider Mme de Galandot à la prendre chez elle le reste du temps.

Le matin, qui suivit, on procéda aux obsèques de M. de Mausseuil. Quelques paysans goguenards et qui se poussaient du coude se réunirent dans la cour de Bas-le-Pré. On descendit le cercueil et on allait se mettre en route quand Mlle Armande fit son entrée. Elle était parvenue à s’échapper et, vêtue et maquillée, elle voulait prendre part à la cérémonie. Quatre rustauds, sur un ordre de l’abbé, s’emparèrent de sa personne. Elle se débattit, cria, mais en vain ; on eut raison d’elle et on la vit disparaître, agitant avec frénésie, sous sa robe qu’elles dépassaient, de grandes bottes à éperons dont elle s’était chaussée.

Le petit convoi passa par l’église et se dirigea vers le cimetière. Julie marchait sagement, donnant la main à M. du Fresnay. Quelques fermiers venaient ensuite. On suivait un chemin creux. Derrière une haie, on entendit bêler une chèvre. C’était la vieille bique barbue, aux mamelles flasques, qui avait été jadis la nourrice de Julie ; M. du Fresnay et l’abbé s’aperçurent alors que le cortège était suivi par une créature contrefaite et