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INCITATUS

« Vous le voyez ! s’écria l’empereur, il refuse, il ne veut pas se prosterner devant Incitatus. » Un cri de surprise sortit de toutes les bouches ; mais ce mouvement d’indignation fut bientôt réprimé.

Alors Virginius, prenant la parole :

« Ainsi, vous l’entendez, dit-il, ce n’est pas assez d’exiger qu’on adore ses statues ; ce n’est pas assez qu’on l’ait proclamé un dieu, lui, ce monstre dont les fureurs et la folie ont dépassé celles de Tibère, il faut encore qu’on se prosterne devant son cheval ! Caligula, tu te trompes, si tu attends cette infamie d’un Virginius. César, celui qui va mourir te salue ; mais en même temps, je te voue aux dieux infernaux. »

À ces mots, il se baisse et ramasse de la poussière ; puis, la laissant tomber sur l’arène, il s’écrie :

« Caligula, fais commencer mon supplice, mais de mes cendres sortiront des vengeurs. »

Cette imprécation avait troublé César ; mais il ne tarda pas à chasser les sinistres pensées qu’avaient fait naître en lui les paroles de Virginius, rapprochées d’un songe qu’il avait eu la nuit même, et durant lequel il lui avait semblé qu’il se trouvait dans le ciel, près du trône de Jupiter, et que ce dieu l’avait précipité sur la terre.