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vasson portait un châle fond vert. Le reste de la noce, vêtu à l’avenant. Parmi les habits, un dolman d’officier, pour la montre.

Il se fit un grand tapage de chaises, puis un grand silence ; on n’entendait plus que les chuchotements du prêtre. Renée, debout près d’un pilier, cherchait en vain Bruno.

— Mon Dieu ! » songeait-elle, saisie d’une angoisse profonde, pourvu qu’il n’aille pas lui parler.

Elle s’appuya aux sculptures de pierre. Une sueur froide mouillait son front. Bruno était derrière, la regardant blêmir, et une tendresse ardente s’emparait de lui en contemplant cette adorable folle qui l’aimait, lui, un pauvre être abandonné de tous. Pour l’empêcher de quitter l’ombre où ils étaient si bien l’un près de l’autre, il osa caresser doucement ses dentelles.

Renée faillit pousser un cri. La glace entourant sa nature orgueilleuse semblait s’être à jamais fondue dans les baisers donnés à Bruno ; elle sentit le frôlement de ses doigts comme un coup sourd qui la galvanisait jusqu’au cœur.

— Tu es là ! Ne lui demande rien, je t’en supplie ! »

Il fit la promesse d’une voix grave, avec une émotion indicible. Elle était donc jalouse ! Oh ! se sentir jaloux ensemble !

Alors Renée glissa sur son prie-Dieu et éclata en sanglots. Il était donc vrai qu’on ne pouvait se défendre de l’amour dans ce monde maudit. Elle aimait