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nono

— J’aurais voulu de l’eau de source, » murmura la jeune fille ennuyée.

Bruno Maldas, lui, essayait de venir à bout du cheval. Il le secouait, se laissait secouer, mais tout faisait prévoir un dénouement fatal.

Renée alla s’asseoir en face du groupe, déroulant son amazone bleu ciel, et l’épagneul, grand favori après Mélibar, vint se coucher sur le drap fin.

— Tout doux, Bruno ! répétait-elle, de son ton mordant, tout doux ! Ne lui abîmez pas la bouche, il l’a très sensible… Ah ! mon ami chacun a ses peines en ce monde… Vous avez Mélibar… Mais, sacrebleu ! comme dirait mon cher père, pourquoi vous entêtez-vous à ne pas lui parler ? On parle aux chevaux, monsieur Bruno ; cela est même du dernier genre avec eux. Papa vous dira qu’il a possédé un coursier étonnant, auquel il apprenait des choses inouïes, rien qu’en chuchotant à son oreille. Je crois qu’il l’a tué un jour d’un coup de pistolet pour la raison toute simple que le chuchotement était devenu inutile. Discourez donc, mon ami ; discourez, vous devez apprendre à discourir à l’école du général Fayor. Caressez-le… Fi ! monsieur Bruno Maldas, vous êtes bien brutal pour un secrétaire. »

Ce garçon perdait la tête en présence de ces railleries méchantes et de ce diable à crinière qui lui soufflait du feu sur le visage.

Sans desserrer les dents, il finit par lever la cravache.

— Oh ! oh ! s’exclama Renée toujours sardonique,