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Le général tonnait, à ce moment, au milieu des auditeurs ébahis.

— Oui ! tout pour notre patrie ! La France nous récompensera ! Je vous engage ma parole ! Soyez fidèles à votre vieux général !… »

Les échos répercutèrent les mots en les affaiblissant jusqu’à l’oreille inattentive de Bruno.

— …Récompense… ma parole… soyez fidèle… »

Nono haussa les épaules :

— Quand on pense qu’il a une fille !… » murmura-t-il naïvement.

Il y eut des applaudissements plus forts, ensuite un silence très prolongé. La grange fut bientôt déserte. Nono resta au sommet de l’édifice électoral, endormi par la chaleur du soleil.

À la sortie, on organisa une ovation pour le futur député. Le général ruisselait de sueur. Deux paysans tirèrent le cheval, un gamin tint l’étrier, un docteur tendit le poing… ce fut comme le triomphe de Mardochée avec cette différence que le général n’avait pas de toge.

— Mon général, déclara le boutiquier Névasson, fier de se produire, nous saurons nous masser, nous condenser, nous multiplier, nous grouper… nous… L’haleine lui manqua, et, par sa bouche, l’arrondissement ne put s’expliquer davantage.

— Bravo ! monsieur Névasson, cria un notaire qui riait, bravo !

— On a l’habitude de vendre, cela délie la langue ! » répondit modestement le gros commerçant.