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— Il est audacieux ! j’aime les audacieux !… Il ira loin !…

— Voilà vos manies qui vous reprennent, monsieur Félix vous voyez des gens arrivés partout !… »

Ils furent séparés par un groupe de paysans braillards qui voulaient porter l’orateur en triomphe sur les traverses d’une charrue. Le général, de sa selle, continuait, et il était prêt à commander une charge. Félix sonda, inutilement, les groupes les plus voisins de cette statue équestre ; Bruno Maldas ne s’y trouvait pas. Enfin, M. Fayor piqua des deux laissant ses électeurs à leurs réflexions et, de nouveau, Félix put constater que Bruno était invisible.

— Il faut pourtant que je le voie, grommelait le cocher en étudiant des notes soi disant prises à la réunion électorale.

— Il faut que je lui parle… l’heure est bien choisie… Ah ! j’y perdrai mon nom, quel dédale ! »

Quand il n’y eut plus personne, Félix fouilla la grange, l’étal des bœufs, les monceaux de paille, puis il découvrit une échelle de meunier.

Avec l’instinct qu’ont les hommes à idées fixes, il monta les degrés, et trouva la réserve de foin pourri, où les rats achevaient de dévorer les deux pattes du martinet. Sous la fente lumineuse du toit, un bras pendait ; il tira ce bras, le dormeur glissa à ses pieds en poussant un cri rauque.

— Que me veut-on encore ? balbutia Nono rêvant du duc de Pluncey. Il s’éveilla tout à fait, reconnut la livrée du duc et faillit jouer des poings.