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nono

— Ne cachez pas votre talent, il aura peut-être la députation grâce à votre façon d’entendre ce qu’il vous dicte !

— Vous croyez ?

— J’en suis sûr ! »

Il y eut un silence. Nono ramassa une de ces fleurettes bleues qu’on appelle des yeux de chat et se mit à l’effeuiller.

— Seriez-vous amoureux ? insinua le cocher devenu subitement très bonhomme.

— Amoureux !… ai-je donc une tête à ça ? fit Nono désespéré qu’un cocher pût deviner sa souffrance.

— Oh ! la tête n’y fait pas grand’chose, et si vous n’étiez pas si taciturne, je vous expliquerais…

— Je ne suis pas taciturne…, je n’aime pas les curieux, voilà tout ! »

Et Nono jeta la fleur avec dépit.

— Allons, vous avez peur que je vous tâte à propos d’élections. Nous ne sommes pas du même camp, cependant j’ai une vraie sympathie pour vous, monsieur Maldas !… »

Bruno leva le front, il vit dans le regard inquisiteur du cocher une expression qui ne sentait pas du tout le gilet jaune.

— Tiens ! dit-il simplement.

— Est-ce que vous me reconnaissez ?

— Moi ? mais non !

— C’est aussi ce que je pensais. Alors pourquoi avez-vous fait : tiens ?