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» Me suis-je senti vivre ? je ne le sais plus, puisque je deviens celui qui meurt à mesure que les minutes lentes s’égrènent !…

» Renée, tâchez de comprendre !… Le cœur que vous vous acharnez à broyer vient de se métamorphoser en une chose qui porte notre nom ! Je suis à vous, Renée… à toi… je me donne, je m’offre, je m’incline… ma Reine… Il est onze heures !… »

Renée n’écoutait pas. À travers la vitre, elle regardait un groupe de paysans entrés par la grille ouverte. Ces gens paraissaient fous de joie à en juger par leurs mouvements désordonnés. Ils tourbillonnaient éperdus, haletants.

Il n’y avait pas de femme à ce que put voir Renée pendant la clarté d’un feu de Bengale. On ne dansait pas, alors on devait se battre et le bal semblait s’émouvoir. On criait de-ci, de-là, un gendarme se frayait un chemin. Malheureusement, ils avaient bus, du côté de la troupe et du côté du peuple, de sorte que leurs jambes s’empêtraient. Soudain, un cri, fait de mille cris, retentit avec les notes suraiguës des filles s’évanouissant.

— À l’assassin ! » est répété en patois jusqu’au delà des murs du château. D’un geste instinctif, le duc entoura la taille de Renée.

— Retirez-vous, dit-il, ces gens sont ivres. Pas de visions troublantes !… le soir des noces est sacré !… »

Mais à ce mot : l’assassin, la duchesse fit, au contraire, un pas en avant. Elle ouvrit le vitrage et se pencha.