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— Du vin vaudra mieux que ce sirop, mesdames, dit-il avec une courtoisie exquise, car il faut plus que du sucre à ce rustre pour rappeler ses esprits. »

La chaleur sembla abandonner le corps de la duchesse qui fit un pas en arrière.

— Ouvrez, au nom de la loi ! répétait le gendarme se décidant à frapper la porte du pommeau de son sabre. Nono s’était levé, les poings crispés.

— Buvez, mon ami, ajouta le duc très doux, le sourire empreint de condescendance, je parie que vous vous rappelez encore l’histoire de mes bonbons ? Allez ! ne vous effrayez pas, on ne frappe pas plus les manants que les gentilshommes quand ils sont à terre.

Nono saisit le verre et l’envoya se briser en plein sur le gilet de satin blanc de M. de Pluncey puis il se croisa les bras, désormais content de son sort. Renée s’était voilé la figure, un cri de terreur folle éclata. Les jeunes filles, s’imaginant que l’assassin assassinait de nouveau, se sauvèrent.

— Jolie, la récompense !… » conclut un officier témoin de l’insulte.

Alors, la serrure craqua comme devait craquer une serrure de salon ; deux gendarmes, suant, grommelant firent irruption.

Le Sabreur voulut de nouveau s’interposer, mais Nono l’âme tranquille alla vers eux.

— Je ne veux plus rester ici, emmenez-moi si vous voulez ! dit-il » d’un ton calme, et il se rendit songeant que n’importe quelle prison valait mieux qu’un château habité par le duc de Pluncey.