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Il était impossible, après une pareille aventure, de reprendre les danses désorganisées. Les hôtes de Tourtoiranne se sentaient mal à l’aise, et le juge d’instruction avait disparu.

Les officiers examinaient la contenance du général. Quant à la duchesse, elle avait été enlevée presque de force par le duc encore humide du champagne si vigoureusement lancé contre lui.

Peu à peu les couples s’éclipsèrent. En bas, chaque voiture était huée parce qu’on croyait y voir le prisonnier. M. Fayor resté seul avec son aide de camp ne trouva rien de mieux que de gagner la salle de tir où l’on s’escrima jusqu’au matin.

Les nouveaux époux rentrèrent aux Combasses à toute vitesse. Le duc avait dit à Largess de presser le cocher ; on allait bon train. Entre les stores baissés et les coussins de velours, aucune parole de circonstance ne s’échangea. La jeune femme paraissait à demi morte. Elle avait la tête renversée, le regard fixe, la bouche pâlie, les mains crispées dans la fourrure, les pieds raidis dans les fleurs. Un instant elle murmura :

« Je souffre trop ! » mais cette plainte demeura sans réponse.

Le duc fut obligé de l’emporter hors de la voiture.

Il la déposa sur une chaise longue, au milieu de la chambre nuptiale. Renée regarda autour d’elle, tout était capitonné de peluche bleue, et elle vit une prison, avec des murs nus, et des dalles froides.

Le plafond était teinté d’aurore, des amours y égre-