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Renée avança davantage sa mantille sur son front.

— Vous vous alarmez trop vite, madame, il n’est pas coupable, donc il importe peu qu’on trouve l’assassiné… D’ailleurs, rien ne prouve qu’il y a eu assassinat !

— Il l’a déclaré, lui, murmura la mère tâchant de rencontrer les yeux de Renée, il est sûr que le mort est sous la terre du département.

— On ne retournera jamais toute la terre du département, chère femme, c’est impossible. Moi, je crois plutôt que ce Barthelme voyage et qu’il reviendra lui-même dissiper les soupçons.

— Les morts ne reviennent pas, fit la paysanne mélancoliquement.

— Vous n’êtes pas courageuse, madame Maldas !

— J’ai peur. »

Renée frissonna, elle aussi avait peur et souvent, dans ce boudoir rose, elle était venue, à minuit, se rouler sur les coussins moelleux, étouffant ses sanglots, se bouchant les oreilles, s’ensevelissant au fond des divans, des rideaux, pour ne plus entendre les râles de l’homme écrasé. Une semaine avait suffi pour peupler les Combasses des fantômes qui erraient derrière les murs de Tourtoiranne.

— Vous allez souvent à sa prison ? demanda-t-elle anxieusement.

— Très souvent, madame, il n’est pas au secret. Que deviendrait-il sans cette consolation de chaque jour, mon pauvre Nono. »

Ce nom de Nono ébranla le corps tout entier de Renée.