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femme défit sa mante. Sous la bure elle avait une robe de velours.

— Nono, dit-elle, d’un accent de passion indicible, Nono, c’est Renée qui vient te voir, où es-tu ? Il ne bougeait pas. Elle éleva le flambeau et elle aperçut le malheureux pleurant dans ses poings serrés.

— Nono, ne veux-tu pas me reconnaître ? » cria-t-elle hors d’elle-même.

Elle se mit à genoux pour redresser sa tête meurtrie par la dalle. Bruno la regarda fixement.

— Qui êtes-vous, madame ? dit-il d’une voix rauque, je ne vous connais pas ! »

Désespérée, la duchesse essaya de le soulever pour lui appuyer la tête contre son sein.

Ce n’était plus qu’une masse inerte.

— Bruno, je suis là, je viens te sauver ! murmura-t-elle, il n’y a pas de temps à perdre, vois-tu ! Moi, j’ai tellement lutté que mon âme va me faire défaut peut-être au moment où je te l’apporte tout entière ! J’ai voulu te faire ma première confession et puis rester avec toi, comme cela, tout simplement… c’est ma place… je la reprend et demain je leur expliquerai… Mon Dieu !… tu te détournes ? Tu retires tes doigts… Ah !… tu sais déjà quelque chose ? Le duc… le duc !… Il a parlé ? avant moi… Et tu ne m’aimes plus ! »

Ses traits bouleversés faisaient peur. Ses yeux, ses merveilleux saphirs qui éblouissaient par leur éclat magique s’éteignirent tout à coup. Sa bouche se contracta, une férocité hideuse se répandit sur ce visage