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vers, coquette en herbe flattant l’imperfection de l’homme pour faire valoir sa perfection de femme. Enfin, ça lui faisait plaisir, Nono les gardait longs.

Nono avait un vilain défaut : il était jaloux, jaloux comme le sont les terre-neuve en présence des bichons havanais, et qui ont l’air de se dire tristement qu’il leur est interdit de se blottir sur des genoux quelconques. Nono, embarrassé de lui-même, sanglotait dès que Lilie lui parlait d’un autre. C’était le supplice de la roue, et elle l’y avait dressé. Ce qu’il y avait de très fort, c’est qu’il ne répondait rien : il boudait ; bouder, pour lui, était toute l’audace. Ensuite, n’avait-elle pas raison de le trouver affreux. Et, sûr d’être affreux du moment qu’il était autrement qu’un autre, il fuyait les glaces, se bornant à devenir d’une idéale bonté. Il était jaloux aussi de sa petite sœur, Césarine, qui était jolie et que la mère embrassait trop. Il était jaloux aussi des oiseaux jaunes qu’il avait donnés à Amélie, à ces bêtes d’oiseaux jaunes avec leurs becs roses, leurs yeux noirs… Enfant, fiancée, serins, tout était ravissant ; lui, atrocement laid…, son avis renchérissait encore : épouvantablement laid ! Et il adorait toutes ces créatures. Avec sa sœur, il se mettait à genoux pour baiser ses petits pieds, se sauvant après pour pleurer sans cause. Quand il voyait Lilie, il avait des étourdissements et se prenait les tempes, n’osant plus l’approcher, car cet amour était confus en lui. Quand il entendait jacasser les canaris, il essayait d’adoucir sa voix. Il les maudissait et leur donnait de la salade.