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et il finit par ne plus rien comprendre, se bornant à répéter : ma foi ! je ne sais pas… je ne sais pas du tout !

Or, comme il n’avait pas pu voler ce collier, il fallait qu’on le lui eût donné. Il descendit déjeuner. Le général bougonna :

— Si tu as des amourettes, je te mettrai à la porte, tu vas faire du pathos dans mes notes. »

Quant à Renée, elle ajouta, hautaine, comme il convient à une maîtresse de maison offensée.

— C’est absurde à votre âge. »

Nono, confus, désolé, n’osa pas même demander une explication au sujet des perles miraculeuses.

— Je ne peux pas les garder, cependant, et elles ont l’air vraies, pensa-t-il.

Dans l’après-midi, il chargea quelqu’un du village de demander sa mère pour le dimanche suivant. Nono trouvait que sa situation était trop grave pour son esprit obtus. Une femme débrouillerait mieux le fil satanique, et il avait besoin de consolation. Il écrivit à Lilie une longue épître où sa pauvre âme blessée tâchait aussi d’éviter de blesser l’inconstante, mais où il lui disait combien cet amour perdu tuait son avenir, pour ne pas dire lui-même. Il écrivait toujours le soir à cause de ses travaux de secrétaire, travaux incessants, car le général faisait recopier huit pages dès qu’une rature se présentait. Quand il eut achevé le reste du papier vert pâle, Nono mit l’épître dans son tiroir cette fois, et se disposa à se coucher. Seulement, il laissa sa bougie allumée pensant que