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le fantôme viendrait peut-être reprendre le bijou qu’il étala bien en évidence sur un meuble. Il voulut le guetter, mais sa tête lourde s’y refusa, et il tomba dans une profonde torpeur.

À son réveil, une nouvelle surprise l’attendait. Non content d’être revenu, le fantôme avait arrangé le collier dans un écrin portant l’adresse de Lilie, une suscription d’une écriture élégante, déliée et ferme comme celle d’un homme. Nono se sentit fou…, positivement ! Il serra les poings, il injuria les murs, il fut presque en colère, et toute la journée il se promit d’interroger le général, mais il n’osa jamais. Puisqu’on ne voulait pas avoir l’air de lui faire ce cadeau, il était sûr, à présent, d’avoir un fil de perles… Qui donc ? Chacun le détestait. Personne ne connaissait son petit roman triste. Nono se coucha dès qu’il vit scintiller l’étoile du berger. Il aurait bien voulu fermer sa porte, mais elle n’avait qu’un loquet comme celle des chambres de domestiques. Il garda sa lumière et se jura de faire semblant de dormir. Il était en proie à une telle surexcitation qu’il ne pouvait plus goûter le moindre repos.

Vers onze heures, au moment où il commençait à voir les murailles se fendre à force de les regarder à travers ses paupières mi-closes, la porte s’ouvrit sous une poussée lente, une odeur de verveine se répandit dans sa chambre, et il perçut un léger frôlement de robe. Bruno avait des rideaux de grosse perse à fleurs brunes ; la perse agitée ne pouvait faire ce bruit-là. Il resta immobile, les yeux