Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/285

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grand poëte de la France s’appelait alors Chateaubriand, et sa prose poétique tenait lieu de poésie proprement dite.

En 1820, la scène change. Un poëte nouveau se présente avec un petit recueil, pour lequel il avait eu grand peine à trouver un éditeur, et qui opère une revolution. Il avait trouvé une chose très simple, le vers lyrique, non pas celui des rhéteurs savamment et froidement combiné en vue de certains effets d’harmonie, mais le grand vers lyrique, enlevé par la puissance du souffle et de l’inspiration. Cette chose très simple était, en réalité, très nouvelle, et ce fut un enchantement. Mêlée à tous les événements de l’époque, enivrant les peuples de ces grands mots de gloire et de liberté, la poésie devint une puissance ; on commençait par être poëte : c’etait un moyen de devenir député, ministre, président de la republique.

Cela dura un quart de siècle, après quoi le public parut en avoir assez. La monarchie de Juillet n’était pas encore tombée que déjà s’annonçait cette espèce d’engourdissement de la fibre poétique que nous avons vu dès lors. La république de 1848 naissait, vivait et mourait sans réussir à la faire vibrer de nouveau, et pendant tout le cours du nouvel empire, et jusque par delà l’année terrible elle demeure insensible à toutes les excitations. Ce n’est pas que pendant ce temps on n’écrive plus de vers, on en écrit