Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Nulle autre n’en apprend les détails avant elle.
Elle invente au besoin. Tantôt du Niphat
Les flots ont entraîné troupeaux, moissons, guérets :
Tantôt la terre, ouvrant ses profondes entrailles,
A d’une ville entière englouti les murailles :
Des lacs ont disparu, des peuples sont détruits,
Et c’est elle partout qui va semer ces bruits.

Je tolère encor moins la cruelle mégère,
Qui, dans l’emportement d’une aveugle colère,
Enlève à ses foyers un voisin sans appui,
Et, lorsqu’on est venu la supplier pour lui,
Pour montrer que son cœur est sensible aux prières,
Le fait tout simplement passer par les lanières.
Qu’un chien, l’interrompant dans son profond sommeil,
En jappant à sa porte, ait hâté son réveil :
Holà ! Dave, Syrus ; des bâtons : courez vite ;
Courez, frappez le maître, et l’animal ensuite.
Faut-il aller au bain ? elle s’y rend la nuit.
Au cortège nombreux dont l’attirail la suit,
Vous diriez une armée emportant son bagage.
Le tumulte, l’effroi, règnent sur son passage.
Il s’agit de suer, c’est un plus grand fracas ;
Et, quand le plomb massif a fatigué son bras,
L’adroit baigneur approche, et d’une main lubrique,
La frotte, en homme instruit des goûts de la cynique
Chez elle cependant tout souffre et meurt de faim :
Tout succombe au sommeil : elle revient enfin,
Rubiconde, brûlant d’une soif si pressante,
Que l’œnophore entier qu’à ses pieds on présente,
La bacchante, en entrant, des yeux seuls l’engloutit.
Deux fois, pour redoubler son avide appétit,
Elle boit : et deux fois le vin qu’elle rejette,
Inonde le parquet ou remplit sa cuvette ;
Car, telle qu’un serpent tombé dans un tonneau,
Elle boit et vomit ; à ce hideux tableau,