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AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

les choses physiques et extérieures, comment se suivent et s’accompagnent les phénomènes internes, c’est par conséquent se borner à ce que Hume appela les lois de l’association des idées. Dans une psychologie ainsi conçue on ne se borne pas à écarter ces entités métaphysiques, ou abstraits réalisés, auxquels Berkeley, avant Hume, avait fait une si rude guerre ; on écarte de même avec Hume ce qui est le fond et le principe même des phénomènes psychiques, le sujet pensant, l’âme.

Établir la logique positiviste fut la tache que se donna surtout M. Stuart Mill. Telle qu’il la comprit, telle qu’il l’exposa dans le grand ouvrage que vient de traduire en français M. Louis Peisse, cette logique peut être résumée dans ce principe, déjà familier à Locke et à Hobbes, que les idées ne se déduisent pas les unes des autres, comme l’enseigne la logique ordinaire, en sorte que d’une connaissance on puisse, sans l’aide de l’expérience, tirer une autre connaissance ; que, n’ayant entre elles que des rapports de concomitance et nullement de dépendance, elles ne peuvent être qu’ajoutées les unes aux autres ou par l’expérience ou par cette extension de l’expérience qui est l’inférence du semblable au semblable et qu’on nomme l’induction. De là des théories nouvelles, ou plutôt renouvelées de Hobbes et de Hume, de toutes les parties de la logique, de toutes les opérations intellectuelles. La définition, par exemple, ne consiste pas, selon M. Stuart Mill, à caractériser un objet par des propriétés essentielles desquelles dérivent toutes celles qu’il possède, mais uniquement à énoncer qu’auprès de telle propriété telle autre, en fait, se rencontre : c’est une pure description. Le raisonnement ne consiste pas, selon M. Stuart Mill, à tirer une chose d’une autre, mais simplement à rappeler comment auprès d’une chose une autre s’est rencontrée, autrement dit à reproduire, dans un autre ordre, ce qui a été le résultat de l’observation et de l’induction. L’induction elle-même, en laquelle se résout tout raisonnement, ne consiste qu’à ajouter machinalement aux