Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand on m’a offert pour une somme de 48 francs un charmant jardin situé entre un chemin et la rivière Manzanarez, ombragé de mangos et d’orangers. En effet, j’aurais pu t’offrir, à toi qui es fatigué du travail aride des bureaux, quelques jours de paresse rêveuse et de farniente, mais en même temps, je t’aurais à peu près condamné à ne jamais faire un travail sérieux de ta vie, car une fois dans ce pays-ci, et une fois dans ton prdin, il te faudrait une chance merveilleuse et une indomptable énergie pour te dégager de nouveau. Actuellement, le commerce offre très peu de ressources à Sainte-Marthe, et, comme il est tout entier entre les mains de cinq ou six négociants du pays, leurs bureaux sont assiégés de postulants et d’aspirants à la postulance. Les nègres et les Indiens qui forment la plus grande partie de la population vivent généralement au jour le jour et les quelques blancs aristocratiques qui font les affaires les font d’une manière bien tranquille et posée. Que veux-tu ? Sainte-Marthe est un bainte-Foy néo-grenadin. Sous ce rapport, toutes les villes de la côte lui ressemblent. Il n’y a que Baranquilla où le commerce ait un peu d’énergie, mais Baranquilla est dans une plaine sableuse et ce sont des juifs et des Américains qui ont la direction des affaires. À Bogota, je crois qu’il en est autrement, mais il faut plus d’argent pour aller de Sainte-Marthe à Bogota que pour venir de France ici. Nous ne sommes pas assez riches pour nous y rendre… Noémi pourrait devenir modiste, avais-je dit, mais si elle demande plus de 3 francs pour la façon d’une robe de soie, il est sûr qu’elle ne trouvera pas de travail ; du reste, elle aurait à lutter contre une concurrence active. Reste autre chose, l’état de professeur. Mais ici tu te récries : Grâce, grâce ! Et, en effet,