Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’étaient plus habitées, que sous l’étoffe ne demeuraient même plus des pièces de squelettes, mais des bâtons indifférents. Et parce qu’en dépit de sa présence, et de son obstination à ne rien perdre de cette présence, il sentait bien qu’il oubliait la meilleure, la plus dévouée de ses amies, sa seule amie, il accuse le destin dont il n’a pas été le maître.

Mais déjà il se dit, en matière d’excuse, que s’il n’était pas le maître de son destin, il ne pouvait pas plus pour le bonheur de Diane que pour le sien propre. Donc il n’est point responsable. Mais vite une nouvelle vire volte. Il a honte de sa lâcheté, il se morigène : « Tu n’es donc pas un homme, mon pauvre Pierre ? », et il décide qu’à l’avenir sa franchise ne se laissera plus limiter en pensée, parole ou action par aucune faiblesse même et surtout sentimentale. Donc plus de pitié pour Diane, plus de bras serré contre le sien, plus de petite promenade jusqu’à sa porte s’il a envie d’aller ailleurs. Et il ne craindra ni la brutalité ni le cynisme. Il aura le courage de ses goûts. C’est décidé. Le courage de ses goûts. C’est bien cela, c’est-à-dire qu’une autre fois il laissera la jeune fille rentrer seule de l’atelier et au lieu d’éluder ses questions trop précises par des phrases du modèle de : L’enfant Septentrion dansa deux jours et plut ou quelque autre boniment de la même farine, il lui déclarera tout net que, s’il n’a pas regardé ce qu’il eût dû, s’il est décidé à ne