Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/148

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Bien que pas une syllabe n’ait été dite qui pût saper leur amitié, chaque minute elle sent peser davantage les menaces encore silencieuses. Et l’adieu lâche ou l’explication brutale et inutile que mille détails, l’atmosphère du dîner et certain pressentiment inexprimé mais réel la contraignent à prévoir, elle en revendique la responsabilité. Ainsi peut-elle excuser l’humeur hostile de Pierre dont elle ne sait plus par quels moyens douter. Qu’il s’acharne sournoisement à tout détruire entre elle et lui, Diane, dédaigneuse des petits manèges qui sont de la meilleure tactique sentimentale, Diane, incapable de composer avec l’être le plus cher et même d’opposer quelque juste réponse à ses provocations, se compare au médecin qui ne sait trouver pour le malade trop aimé le remède qu’il eût tout naturellement ordonné à quelque autre.

Lorsqu’il a déclaré : « Il faut que je couche chez Bruggle » volontairement elle a déclaré « sale et injuste » une pensée que, de sang-froid, s’il ne s’était agi de Pierre, elle eût jugée « soupçon légitime ». Et même, s’il ne s’était par la suite vanté d’avoir mille francs en poche et n’avait affirmé puis répété, avec une insistance pour le moins superflue, que Bruggle jamais ne le laisserait manquer de quoi que ce soit, sans doute eût-elle réussi à s’interdire de constater que : il faut que je couche chez Bruggle en bon français signifiait : « Je veux coucher avec Bruggle ».