Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/212

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mon, et, en général, les Apocryphes d’origine juive et chrétienne, les paraphrases chaldaïques, la Mischna, les livres deutéro-canoniques, etc. Ce jour-là, Fabricius et Thilo, qui ont préparé une édition satisfaisante de ces textes, Bruce, qui a rapporté d’Abyssinie le livre d’Hénoch, Laurence, Murray et A.-G. Hoffmann, qui en ont élaboré le texte, auront plus avancé l’œuvre que Voltaire flanqué de tout le xviiie siècle.

Ainsi, à ce large point de vue de la science de l’esprit humain, les œuvres les plus importantes peuvent être celles qu’au premier coup d’œil on jugerait les plus insignifiantes. Telle littérature de l’Asie, qui n’a absolument aucune valeur intrinsèque, peut offrir pour l’histoire de l’esprit humain des résultats plus curieux que n’importe quelle littérature moderne. L’étude scientifique des peuples sauvages amènerait des résultats bien plus décisifs encore, si elle était faite par des esprits vraiment philosophiques. De même que le plus mauvais jargon-populaire est plus propre à initier la linguistique qu’une langue artificielle et travaillée de main d’homme comme le français ; de même on pourrait, posséder à fond des littératures comme la littérature française, anglaise, allemande, italienne, sans avoir même aperçu le grand problème. Les orientalistes se rendent souvent ridicules en attribuant une valeur absolue aux littératures qu’ils cultivent. Il serait trop pénible d’avoir consacré sa vie à déchiffrer un texte difficile, sans qu’il fut admirable. D’un autre côté, les esprits superficiels se pâment en voyant des hommes sérieux s’amuser à traduire et commenter des livres informes qui, à nos yeux, ne seraient qu’absurdes et ridicules. Les uns et les autres ont tort. Il ne faut pas dire : Cela est absurde, cela est magnifique ; il faut