Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire : Cela est de l’esprit humain, donc cela à son prix. Il est trop clair d’abord qu’au point de vue de la science positive, il n’y a rien à gagner dans l’étude de l’Orient. Quelques heures données à la lecture d’un ouvrage moderne de médecine, de mathématiques, d’astronomie, seront plus fructueuses pour la connaissance de ces sciences que des années de doctes recherches, consacrées aux médecins, aux mathématiciens, aux astronomes de l’Orient (87). L’histoire elle-même serait à peine un motif suffisant pour donner de la valeur à ces études. Car d’abord l’histoire ancienne de l’Orient est absolument fabuleuse, et, en second lieu, à l’époque où elle arrive à quelque certitude, l’histoire politique de l’Orient devient presque insignifiante. Rien n’égale la platitude des historiens arabes et persans, qui nous ont transmis l’histoire de l’islamisme. Et c’est bien plus, il faut le dire, la faute de l’histoire que celle des historiens. Caprices de despotes absurdes et sanguinaires, révoltes de gouverneurs, changements de dynasties, successions de vizirs, l’humanité complètement absente, pas une voix de la nature, pas un mouvement vrai et original du peuple. Que faire en ce monde de glace ? Certes, ceux qui s’imaginent que l’on étudie la littérature turque au même titre que la littérature allemande, pour y trouver à admirer, ont bien raison de sourire de ceux qui y consacrent leurs veilles ou de les regarder comme de faibles esprits, incapables d’autre chose. En général, les littératures modernes de l’Orient sont faibles et ne mériteraient pas pour elles-mêmes d’occuper un esprit sérieux (88). Mais elles acquièrent un grand prix si on considére qu’elles fournissent des éléments important pour la connaissance des littératures anciennes, et surtout pour l’étude comparée des idiomes. Rien n’est inutile,