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objet ne tient pas à l’essence de la nature humaine, qu’au contraire il en entrave le beau développement.


XXI


La science étant un des éléments vrais de l’humanité, elle est indépendante de toute forme sociale et éternelle comme la nature humaine. Aucune révolution ne la détruira, car aucune révolution ne changera les instincts profonds de l’homme. Sans doute, tout en lui vouant son culte, on peut trouver des instants pour d’autres devoirs : mais il faut que ce soit une suspension et non une démission. Il faut maintenir la haute et idéale valeur de la science, alors même qu’on vaque à des devoirs actuellement plus pressants. Il y a, je l’avoue, des sciences qu’on pourrait appeler umbratiles, qui aiment la sécurité et la paix. Il fallait être M. de Sacy pour publier en 1793, à l’Imprimerie du Louvre, un ouvrage sur les antiquités de la Perse et les médailles des rois sassanides. Mais, en prenant l’esprit humain dans son ensemble, en évaluant le progrès par le mouvement accompli dans les idées, on est amené à dire : Que la volonté de Dieu soit faite ! et l’on reconnaît qu’une révolution de trois jours fait plus pour le progrès de l’esprit humain qu’une génération de l’Académie des Inscriptions.

S’il est un lieu commun démenti par les faits, c’est que le temps des révolutions est peu favorable au travail de l’esprit, que la littérature, pour produire des chefs-d’œuvre, a besoin de calme et de loisir, et que les arts méritent en