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IIme CONGRÈS DE PHILOSOPHIE — GENÈVE

M. Rauh répond à M. Millioud, comme à M. Strong, qu’il ne sait ce que signifie une liberté réelle, si ce n’est une croyance à la liberté. La liberté n’est pas une chose. Cela même répond à l’objection sur la méthode. M. Rauh accepte tous les moyens d’information qui l’éclairent sur le déterminisme de ses actes ; mais il ne peut considérer la volonté comme un fait objectif objectivement déterminé ; et cette connaissance du déterminisme doit toujours être confrontée avec la conscience de chacun, pour savoir ce qui, en définitive, en demeure quand elle entre en conflit avec les choses. La méthode qu’il suit est introspective, mais elle fait subir à la conscience une épreuve, qui, en ces matières, est l’équivalent d’une expérience. Le problème n’est pas de supprimer la croyance au profit de la science. mais de savoir expérimentalement ce qui reste de la croyance quand une fois l’on sait.

M. Landormy déclare ne pas bien comprendre en quoi consiste celle observation de soi-même, dont parle M. Rauh. Est-ce l’observation intérieure, celle que recommandent les psychologues. Il semble que non. Dès lors, et s’il se mêle à cette observation quelque autre travail, il ne s’agit plus d’observation, mais d’analyse et de critique ; par suite il devient très difficile, pour ne pas dire impossible, de distinguer ce qui est constaté de ce qui est construit ; car ce que l’on construit est aussi, en un sens un fait ; en un mot dans cette enquête faite par soi-même sur soi-même, on trouve tout ce que l’on cherche, inévitablement.

M. Rauh répond que l’objection de M. Landormy est une de ces objections dialectiques qui rendraient impossible toute recherche expérimentale. Il s’agirait de définir l’observation, de la distinguer de l’analyse, etc., avant d’observer et d’analyser. Les méthodes se révèlent au contraire à l’user. Que M. Landormy veuille bien, pour un temps, oublier les catégories où il enferme sa pensée, et se mettre en présence de sa conscience quand il affirme qu’il est libre. Il dira s’il a observé comme M. Rauh a observé, s’il a procédé comme M. Rauh a procédé. La discussion sera alors possible et fructueuse.

On voit d’après ce qui précède que M. Rauh fait bon marché des objections qui portent sur la méthode. C’est son droit, Une méthode doit être jugée d’après ce qu’elle produit, et non en elle-même. Toutefois, si dans cette discussion on a beaucoup parlé de méthode, la faute en est peut-être à M. Rauh lui-même, qui m’a pas parlé d’autre chose, qui s’est borné à dire, avec un grand détail, ce qu’il fallait