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faire, mais ne l’a pas fait. M. Rauh ne nous apporte pas une doctrine du libre arbitre, mais une méthode positive pour poser et résoudre le problème du libre arbitre. Les auditeurs, ignorant ce que cette méthode donnera, sont naturellement conduits à chercher ce qu’elle peut donner.

Et il est naturel aussi qu’ils pensent à la méthode d’introspection et aux résultats qu’elle a pu donner jusqu’ici. Personne n’a oublié les ambitieux programmes de la psychologie subjective, ni les résultats médiocres auxquels elle est arrivée, même en usant subrepticement, le plus souvent, d’une méthode très différente de celle qu’elle avait annoncée. Soyons sincères, c’est bientôt dit. Mais les faits mentaux ne sont pas des données qu’il s’agit de découvrir en soi ; ils se transforment sous le regard, et l’attention qu’on y porte est un fait mental aussi ; tous les essais que l’on fait, toutes les conjectures, toutes les hypothèses, sont à leur tour des faits aussi réels, comme faits, que les autres. Un homme me dit qu’il se dédouble, et se perçoit lui-même hors de lui-même ; je n’en sais rien et il n’en sait rien ; il s’agit d’examiner si cela est possible et en quel sens. Ce n’est plus là observer ni expérimenter ; et, si ce n’est plus observer ni expérimenter, il faudrait dire ce que c’est ; et si c’est la philosophie même, il faut la faire mieux que les autres, si on peut.

Je ne sais si je comprends bien la pensée de M. Rauh, mais il me semble qu’il part en guerre contre des fantômes. Que la croyance à la liberté soit un fait, je ne crois pas qu’il soit dans la pensée d’un Leibniz ou d’un Spinoza de le nier. Que ce fait doive survivre à toute théorie déterministe, cela est non moins évident ; je ne sais pas comment on pourrait concevoir que l’idée que nos actes sont déterminés supprimerait la croyance de chacun de nous en son libre arbitre. Expliquer une croyance, pourquoi serait-ce la supprimer ? Quand je sais que le soleil n’est pas à deux cents pas, où que ma volonté n’est pas libre, ai-je supprimé pour cela la perception que j’ai du soleil, ou le sentiment que j’ai de ma liberté ? Nullement ; je dirai presque, au contraire, si j’ai compris pourquoi j’ai cette perception et pourquoi j’ai cette croyance. « Nous nous croyons libres parce que mous avons conscience de nos actions et que nous ignorons leurs causes. » Il faudrait donc, pour que cette croyance disparût, que nous connussions les causes de nos actions complètement, et cela n’est pas possible, parce qu’il n’est pas possible que l’homme ne soit pas une partie de l’univers. Aussi, quand je serais aussi assuré que possible