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revue de métaphysique et de morale.

Or cela est vrai de tout fait et de toute science : « La mathématique nous fournit l’exemple le plus probant d’où l’on puisse tirer une notion idéaliste de l’expérience expurgée des derniers éléments du réalisme vulgaire[1]. » Que la terre tourne sur elle-même, voilà un fait : et en réalité c’est la conclusion d’une foule d’hypothèses, successivement redressées ; et pour constater un tel fait, faut d’abord le comprendre, c’est-à-dire le construire. Et ceux qui ont cru autrefois que le ciel tourne n’ont point fait, eux non plus une pure et simple constatation ; la pure et simple constatation serait la perception d’un « déplacement de points lumineux dans l’espace, à intervalles à peu prés réguliers ». Le mouvement diurne est déjà quelque chose de plus que cette simple constatation[2]. Cette forte analyse, et d’autres du même genre, que l’on ne peut résumer sans leur enlever toute leur force, conduisent l’auteur à cette conclusion : « Le fait, dans la science physique, non seulement ne vaut que par sa signification, mais encore réside tout en entier dans sa signification[3]. »

Toute la force de cette doctrine, on le voit, repose sur le rapprochement qui a été établi entre les sciences dites théoriques, et sciences dites expérimentales. « On admire la précision des calculs astronomiques, la prévision d’une éclipse à une seconde près… S’étonne-t-on de ne jamais trouver en défaut les lois de la mécanique dans le maniement d’un levier où d’un treuil ? À y regarder de près, dans un cas comme dans l’autre, la constance et l’universalité des lois physiques sont en jeu[4]. » M. Weber pourrait ajouter, reliant ainsi ce qu’il a dit de l’arithmétique à ce qu’il a dit de la physique, que la géométrie est déjà une physique, et que le fait de verser un liquide d’un vase cylindrique dans un vase hémisphérique, les deux vases étant construits pour être égaux d’après les théorème du géomètre, vérifie la géométrie de la même manière, ni plus moins, que la découverte de la planète Neptune vérifie l’astronomie.

On aperçoit peut-être maintenant en quel sens M. Weber peut conclure que l’expérimentation est intrinsèque à la science, quel est un épisode du devenir du savoir et rien de plus, c’est-à-dire un conflit d’idées, un effort pour relier encore mieux ensemble toutes

  1. P. 273
  2. P. 354
  3. P. 316
  4. P. 319