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revue de métaphysique et de morale.

distances géométriques α β et γ δ sont égales tandis que les deux distances sensibles correspondantes ne sont pas identiques, qu’elles n’ont même rien de commun, tant qu’on ne convient pas d’employer pour les comparer un système de mensuration. La distance géométrique a donc besoin d’être définie ; et elle ne peut l’être que par la mesure.

Comme le fait remarquer M. Halsted dans une brochure récente (Science, N. S. Vol. X, No 251), M. Russell a eu tort d’employer indifféremment le mot distance pour désigner ce que les Allemands appellent « Strecke », et en même temps la mesure de cette « Strecke ». La « Strecke », analogue à la distance sensible, est susceptible de représentation. Mais ce n’est pas une grandeur puisque l’on ne saurait se représenter l’égalité de deux « Strecken ». Le nom de distance ne convient qu’à la mesure de cette « Strecke », et cette mesure ne peut être définie que par une convention.

5. M. Russell présente une autre objection dont je ne dirai que quelques mots :

Les seules définitions, philosophiquement admissibles, sont d’après lui celles qui énumèrent les éléments simples du terme défini. « Le sens d’un terme ne peut consister en relations avec d’autres termes », et plus loin : « il faut se demander quel est le sens de chacun de ces termes, et non plus quelles sont ses relations avec les autres termes ».

Et ailleurs : « Quand nous disons que la distance est égale à un mètre, nous exprimons une relation entre deux couples de points ; mais quand on dit la distance , on n’exprime rien de plus qu’une relation entre et  »

Je ne sais pas si en dehors des mathémathiques on peut concevoir un terme quelconque indépendamment de toute relation avec d’autres termes ; mais je sais bien que pour tous les objets étudiés par les mathématiques, cela est impossible.

Si on veut isoler un terme et faire abstraction de ses relations avec d’autres termes, il ne reste plus rien ; ce terme ne devient pas seulement indéfinissable, il devient vide de sens.

« Quand on dit la distance . » en faisant abstraction de la possibilité de comparer cette distance à d’autres, on prononce cinq syllabes et rien de plus.