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GALERIE ESPAGNOLE AU LOUVRE.

France, ne sont pas les seuls glorieux que l’Espagne ait produits ; derrière les grands maîtres que nous admirions, non sans hésiter parfois quelque peu, faute d’éducation spéciale, il y a toute une école, centre de lumière, d’où se sont échappés ces trois rayons jusqu’à ce jour un peu égarés parmi nous ; et ce grand art de l’Espagne, ne pourrions-nous pas dire, tous tant que nous sommes, qu’avant même qu’il se révélât d’une aussi splendide façon, nous l’avions deviné au fond de nos consciences ? En effet, en lisant cette histoire, où le caractère de l’épopée domine, lors même que vous ne sauriez rien de Velasquez ni de Calderon, vous vous dites comme entraîné par une puissance invisible : L’art est là ; s’il ne nous apparaît pas dans son harmonie et sa grandeur, c’est qu’il est enfoui ; n’importe, il existe ; il ne s’agit plus que de le conquérir. Il suffit de jeter un coup d’œil sur cette terre si pleine encore de sève et de fécondité, dans ces temps que certains prophètes appellent son âge de décrépitude, et qui ne sont, après tout, pour elle, que l’âge d’une transformation tardive et laborieuse ; il suffit de la contempler, cette terre du soleil, pour sentir que ces rares chefs-d’œuvre, qui nous avaient frappés dans leur isolement, bien loin de n’être autre chose que le jet d’une fantaisie indépendante et capricieuse, puisent tous leur loi d’existence dans une unité profonde et catholique, dont le monde ignore peut-être encore le secret en deçà des Pyrénées. Vous appelez l’Espagne une terre usée pour nous ; l’art n’a désormais plus rien à récolter sur ce sol aride, dites-vous, et c’est vouloir perdre sa peine que d’y retourner ! En effet, j’en conviens, vous avez étrangement abusé des couleurs qui se prennent à la surface des choses. Les bonnes lames de Tolède commencent à se rouiller ; les fanfaronnades castillanes nous assomment ; et c’est à mourir d’ennui, quand un soudard ivre nous raconte ses amours avec des comtesses de Séville. Mais la parfaite déconsidération dans laquelle sont tombées ces boutades ingénieuses qui nous plaisaient fort autrefois, signifie tout simplement que les temps du réalisme brutal et du pastiche sont accomplis. Désormais, il ne s’agit plus d’imiter, il faut traduire. D’ailleurs, quels rapports peuvent exister entre de pareilles balivernes et le grand art catholique de Zurbaran ou de Calderon ? C’est au fond des cathédrales et des couverts que l’art espagnol repose enseveli ; c’est là qu’un jour des mains pieuses le rappelleront à la lumière du soleil comme un autre Lazare. L’en-