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REVUE. — CHRONIQUE.

sation, encore une fois, est fondée dans la légalité. Le gouvernement d’Argovie devait s’adresser à la diète, s’il avait de justes motifs de supprimer les couvens.

Mais là s’arrête le droit. La question est d’ailleurs toute suisse et n’est que suisse. Nul n’a qualité pour s’immiscer dans cette querelle. Il n’y a rien là qui intéresse les rapports de la Suisse avec les puissances étrangères. Les journaux ont parlé de notes de la cour de Rome et de l’Autriche. Sans doute le pape peut interposer ses bons offices, et nous sommes convaincus que la confédération accueillera avec tous les égards qui lui sont dus la démarche toute paternelle du chef du catholicisme. Ce n’est pas comme prince que le pontife agit ; dès-lors il n’y a rien là qui puisse blesser la susceptibilité nationale. Une démarche de l’Autriche pourrait avoir une tout autre portée. Les puissances ont garanti la neutralité de la Suisse, elles n’ont point garanti les clauses du pacte fédéral. La Suisse est libre de les changer, sauf à chaque état le droit d’examiner quels rapports il lui conviendrait de conserver avec la confédération organisée sur des bases nouvelles. Aussi, lorsqu’en 1832 la Suisse parut travailler sérieusement à la réforme de ses institutions fédérales, nul ne prétendit avoir le droit de s’y opposer. Ç’aurait été nier l’indépendance, l’autonomie, l’existence même de la Suisse. On put lui donner des conseils divers, mais son droit était incontesté et incontestable. Par la même raison, nul n’a le droit aujourd’hui d’intervenir dans la question des couvens. Au surplus, rien ne prouve qu’on y songe ; en tout cas, nous sommes certains que notre gouvernement n’y songe pas ; il se rappelle qu’en 1832 et 1833 il ne trouvait aucune objection au nouveau pacte fédéral proposé par la diète, et dans lequel la garantie des couvens n’avait pas été maintenue.

Les explications que M. le ministre des affaires étrangères a données à la chambre des pairs sur le traité conclu à Buénos-Ayres, ont dissipé tous les doutes. On pourra sans doute revenir sur des faits antérieurs, chicaner sur des détails, accuser celui-ci, justifier celui-là ; le gros de l’affaire est irrévocablement jugé.

Le traité est-il conforme aux instructions ? Nul doute. Qu’on lise d’un côté les instructions adressées soit au consul, soit à l’amiral, et de l’autre les clauses du traité, et il sera impossible de ne pas convenir que M. de Mackau a fait ce que ses instructions l’autorisaient à faire, même quelque chose de mieux.

M. Guizot aurait pu s’arrêter là. Il a été loyalement plus loin, et il a bien fait. Après avoir démontré que le traité était irréprochable pour le négociateur, il a prouvé qu’il l’était aussi pour le gouvernement, que les instructions avaient été ce qu’elles devaient être, qu’il n’y avait, dans les circonstances données, rien de mieux à faire. C’est en effet une étrange prétention que de vouloir engager la France dans les atroces querelles des partis qui désolent l’Amérique du Sud, pour lui faire dépenser, à deux mille lieues de chez elle, le sang de ses soldats et l’or de ses contribuables. Certes, la France doit partout faire respecter les Français, partout protéger leurs biens et leurs légi-