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en les composant, s’inspirait du souvenir de certaines plantes, mais ce n’étaient pas ces plantes elles-mêmes qui sortaient de son ciseau. En un mot, l’antiquité, et après elle l’époque bysantine et romane, quand elles ont appliqué la botanique à l’architecture, n’ont jamais connu qu’une botanique de convention, dont les modèles n’existent pas dans la nature.

C’est donc un changement complet, une véritable révolution que système adopté par le XIIIe siècle. Non-seulement il reproduit avec une naïve fidélité les plantes sous leurs, formes naturelles, mais il s’impose la loi de ne choisir ses modèles que dans la flore indigène. Ce dernier tait est de tous le plus significatif : il suffirait pour imprimer au style à ogive son véritable caractère, ce caractère, essentiellement national qu’on chercherait vainement à lui contester. Quelle que soit l’origine de l’ogive elle-même, l’architecture qu’elle a fait naître chez nous est fille de nos, climats et n’appartient qu’à eux : tous les autres styles que nous avons tour à tour adoptés, soit avant elle, soit après elle, ne sont que des fruits étrangers transplantés avec plus ou moins de succès ; elle seule, est sortie de notre propre sève, elle seule porte la marque de notre propre création. Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur cette idée : peut-être essaierons-nous ailleurs d’entrer dans les développemens qu’elle comporte : il nous suffit en ce moment d’avoir établi que l’ornementation du style à ogive n’a rien emprunté ni aux ornemens antiques, ni à aucun autre genre d’ornemens préexistans, et que ceux qui ne la connaissent pas peuvent seuls l’accuser de plagiat.

Quant au reproche de déraison ; a-t-il plus de fondement ? Évidemment il ne provient que d’une méprise entre deux époques. Il est bien vrai que, dans certaines sculptures bysantines ou romanes, le caprice et la fantaisie dominent tellement, qu’il n’est pas toujours très facile de leur trouver un sens raisonnable ; peut-être est-il permis de dire de ces sculptures que « tout ce qui en fait partie peut y être ou n’y être pas, occuper une place ou une autre place, sans qu’on puisse dire pourquoi. » Mais existe-t-il la moindre analogie entre ces sculptures et celles du XIIIe siècle ? Autant les unes sont capricieuses et variées, autant les autres sont régulières, nous oserions presque dire uniformes. Voyez les chapiteaux d’une église à plein cintre, il n’y en a pas deux qui se ressemblent : ils diffèrent non-seulement par la décoration, mais par la forme et par les dimensions ; dans une église à ogives, au contraire, dans une église du XIIIe siècle, tous les chapiteaux sont conçus d’après un même type, dans un même esprit. Suivez