Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/835

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que, si ce n’est pas la pudeur, c’est au moins la délicatesse, que M. de Parny, en disant à sa maître dans sa pièce de Demain :

Dès demain vous serez moins belle,
Et moi peut-être moins pressant.


Et en effet, ce n’était pas à son Éléonore, mais à une certaine Euphrosine, que le poète tenait d’abord ce langage si leste et si peu amoureux. On trouverait enfin dans les diverses critiques du temps la preuve qu’une foule d’expressions courantes et déjà usées, telles que les charmes arrondis, les plaisirs par centaine, les chaînes et les peines accouplées invariablement à la rime, et autres lieux-communs érotiques, ne satisfaisaient pas les bons juges. Mais, malgré les réserves de détail que l’on savait faire, personne alors ne se rendait bien compte de ce qui manquait foncièrement à ce style, et comment il péchait par la trame même.

Dans une lettre touchante ce Français (de Nantes), que j’ai sous les yeux cet hommes excellent, ce bienfaiteur véritable des dernières années de Parny l’appelle ingénument le premier poète classique du siècle de Louis XVI. Oui, Parny était bien cela, il l’était dans son genre à meilleur titre que Delille ; mais le malheur, c’est que l’époque de Louis XVI n’avait rien de ce qui constitue un siècle ; ce n’était qu’un règne d’un goût passager et d’un jargon poétique aimable, Parny sut se préserver mieux qu’aucun autre de la contagion, il sut s’en préserver à sa manière tout autant que Fontanes ; il ramena et observa suffisamment le goût et le naturel dans l’élégie, mais il ne créa pas le style. Or, il aurait fallu le retremper alors tout entier. Convenons qu’un poète élégiaque n’est pas nécessairement tenu à de tel frais d’originalité ; il chante dans la langue de son temps, heureux et applaudi quand il y chante le mieux, et il n’a pas charge de refaire avant tout son instrument. Voilà ce qu’il faut dire pour rester juste envers Parny ; mais les circonstances n’en furent pas moins pour lui un malheur irréparable. Avec son organisation délicate et fine, avec ses instincts de simplicité et de mélodie, il est permis de conjecturer que, nourri à une meilleure époque, plus loin de Trianon, et venu du temps de Racine, il aurait été un élégiaque parfait.

Pour apprécier autant qu’il convient le mérite naturel et touchant des élégies de Parny, il suffit de lire celles qu’a essayées Le Brun, si sèches, si fatiguées et si voulues. Pour apercevoir d’autre part ce qu’il y aurait eu à tenter d’indispensable et de neuf dans la forme et dans