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bien évident que, dans la pensée de Garat, ce n’était point M. de Parny. Quelques honnêtes auditeurs s’y méprirent pourtant et crurent que Garat avait voulu blâmer d’une manière couverte le récipiendaire. La Décade, dans son article du 10 nivose (an XII) s’attacha à rétablir le fil des idées que les malveillans, disait-on, avaient tâché d’embrouiller. Mais on avait devant soi des adversaires mieux en état de riposter qu’en l’an VII. M. de Feletz, dans un de ces articles ironiques du Journal des Débats comme il les savait faire, disait : « M. Garat voulait parler à M. de Parny de son poème honteusement célèbre de la Guerre des Dieux. En a-t-il fait l’éloge ? En a-t-il fait la censure ? Tel a été son entortillage que ce point a paru problématique à quelques personnes ; mais ce doute seul déciderait la question, et prouverait que M. Garat applaudit au poème[1]… » Comme on était alors dans tout le feu du projet de descente en Angleterre, Fontanes termina la séance par la lecture d’un chant de guerre contre les Anglais, mêlé de chœurs et dialogué, avec musique de Paësiello.

Aux environs de ce moment, Parny faisait écho aux mêmes passions patriotiques, en publiant son poème de Goddam dont le sujet n’est autre cette descente en Angleterre, la parodie de la vieille lutte de Harold et de Guillaume. Tout cela est d’un esprit peu étendu, trop peu élevé, d’un talent facile toujours et parfois encore gracieux. Les amis, du reste, ne cherchaient point à dissimuler les défauts de cette œuvre de circonstance, et les ennemis commençaient à dire que M. de Parny, qui avait si bien chanté les amours, avait un talent moins décidé pour chanter les guerres. J’ai hâte de sortir de cette triste période et de cette critique ingrate pour retrouver le Parny que nous avons droit d’aimer. On le retrouvait déjà dans le petit poème d’Isnel et Asléga qui parut d’abord en un chant (1802) et que l’auteur développa plus tard en quatre. Cette douce et pure esquisse, ou plutôt ce pastel, aujourd’hui fort pâli, s’offrait en naissant avec bien de la fraîcheur et dans toute la nouveauté de ces teintes d’Ossian que l’imitation en vers de Baour-Lormian venait de remettre à la mode.

Dans cette même édition de ses Œuvres diverses (1802) où se lisait la première version d’Isnel et Asléga, Parny s’était attaché à ne rien faire entrer que d’avouable et d’incontestable ; il y a réussi, et l’on peut dire que depuis on ne trouverait à peu près rien à ajouter au

  1. Mélanges de M. de Feletz, t. III, p. 519.