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faire jour par toutes les issues. Est-il encore temps de lutter contre ce flot de l’opinion publique ? Ne vaut-il pas mieux le diriger en le contenant, et lui tracer son lit, de peur que, rompant les digues, il n’emporte tout ? Ce serait un curieux spectacle, mais très possible en Allemagne, que celui d’une révolution politique introduite sous le déguisement d’une réforme religieuse, des conciles transformés en assemblées populaires, et l’office divin devenu le symbole d’une convention. Que de problèmes, on le voit, que de difficultés ! Et comme tout cela vient d’éclater subitement !

Oui, d’un côté, l’église protestante déchirée, par ses divisions intestines, par la lutte des piétistes et des rationalistes ; de l’autre, l’église catholique travaillée depuis long-temps aussi par des besoins de réforme, et voyant naître tout à coup la secte bizarre de deux prêtres plus ridicules que terribles, mais devenus un instrument redoutable aux mains des partis ; enfin, en dehors des deux communions, bien que se rattachant plutôt au protestantisme, une école philosophique très audacieuse, très résolue, les amis des lumières, qui déclarent franchement ne point accepter les dogmes chrétiens et prétendent se soustraire à leur empire dans tous les actes civils, dans toutes les relations de la vie tel est l’état religieux de l’Allemagne. Maintenant, que ces deux hommes, que ces deux prêtres, chefs d’une secte nouvelle, soient tour à tour employés par tous les partis ; que les piétistes d’abord et ensuite les amis des lumières favorisent cette insurrection sortie de l’église catholique ; que le communisme aussi s’efforce de faire alliance avec les sectaires et veuille, en se déguisant, pénétrer en Allemagne sous une bannière qui n’est pas la sienne ; en un mot, que ces évènemens éclatent à une époque où mille espérances de liberté agitent déjà la nation : en voilà assez pour faire comprendre toute la gravité de ces périlleux problèmes. Tâchons de ne pas l’oublier ; rappelons-nous surtout quels scrupules sont commandés à l’écrivain qui expose et juge une situation si difficile, et où sont engagés tant de questions si hautes, tant d’intérêts si sacrés.

On a beaucoup écrit en Allemagne sur les évènemens de ces dix derniers mois ; mais l’impartialité, avouons-le, n’était guère possible au milieu des ardeurs de la lutte. Ne l’exigeons pas des journaux protestans, encore moins des feuilles catholiques ; ne la cherchons ni à Munich ni à Berlin. Les faits sont là interrogeons-les. Ils s’éclairciront surtout et deviendront plus instructifs si nous remontons d’abord aux origines de la question présente. J’ai sous les yeux tous les livres, tous les pamphlets un peu importans inspirés par cette controverse ;