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cela se peut ; mais le nier, quelle plaisanterie ! Vous découragez un pauvre diable en lui disant : Je sais ce que vous allez me dire. Mais n’est-il pas en droit de vous répondre : Oui, madame, vous le savez peut-être ; et moi aussi, je sais ce qu’on dit quand on aime, mais je l’oublie en vous parlant. Rien n’est nouveau sous le soleil ; mais je dis à mon tour : Qu’est-ce que cela prouve ?

LA MARQUISE

A la bonne heure au moins ! vous parlez très bien ; à peu de chose près, c’est comme un livre.

LE COMTE

Oui, je parle, et je vous assure que, si vous êtes telle qu’il vous plaît de le paraître, je vous plains très sincèrement.

LA MARQUISE

A votre aise ; faites comme chez vous.

LE COMTE

Il n’y a rien là qui puisse vous blesser. Si vous avez le droit de nous attaquer, n’avons-nous pas raison de nous défendre ? Quand vous nous comparez à des auteurs sifflés, quel reproche croyez-vous nous faire ? Eh ! mon Dieu, si l’amour est une comédie…

LA MARQUISE

Le feu ne va pas ; la bûche est de travers.

LE COMTE, arrangeant le feu

Si l’amour est une comédie, cette comédie, vieille comme le monde, sifflée ou non, est, au bout du compte, ce qu’on a encore trouvé de moins mauvais. Les rôles sont rebattus, j’y consens ; mais, si la pièce ne valait rien, tout l’univers ne la saurait pas par cœur ; et je me trompe en disant qu’elle est vieille. Est-ce être vieux que d’être immortel ?

LA MARQUISE

Monsieur, voilà de la poésie.

LE COMTE

Non, madame ; mais ces fadaises, ces balivernes qui vous ennuient, ces complimens, ces déclarations, tout ce radotage, sont de très bonnes anciennes choses, convenues, si vous voulez, fatigantes, ridicules parfois, mais qui en accompagnent une autre, laquelle est toujours jeune.

LA MARQUISE

Vous vous embrouillez ; qu’est-ce qui est toujours vieux, et qu’est-ce qui est toujours jeune ?

LE COMTE

L’amour.