Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne tardent pas à se dessécher ; mais, en se retirant, elles ont laissé dans toutes les excavations une partie de leurs eaux. Il se forme ainsi, sur les deux bords et mène plus loin, des chaînes de petits réservoirs qu’un rideau d’arbres signale à l’attention des voyageurs. Ce sont autant d’abreuvoirs où toutes les créatures du désert viennent étancher leur soif. Un des derniers explorateurs de l’Australie, M. Mitchell, dont l’ouvrage est en ce moment sous nos yeux, préfère le liquide brun qu’on y puise au cristal des sources même les plus pures. Ce liquide a plus de corps et désaltère mieux, dit-il. Le fait est que toutes les espèces, civilisées ou sauvages, hommes et brutes, se réunissent autour de ces étangs salutaires, et n’éprouvent aucun malaise pour y avoir étanché leur soif. L’Australien est en cela bien différente de l’Afrique, où les sucs des végétaux, lentement dissous dans les lacs, transforment le breuvage qu’on y puise en poison mortel, et propagent parmi les Européens la douloureuse maladie appelée coliques végétales, qui emporte tant de marins. Les rivières de l’Australie, au temps des pluies, coulent souvent entre des collines qui, s’écartant graduellement du pied au sommet, forment de charmantes vallées pleines de verdure : souvent aussi elles roulent au fond d’une anfractuosité de rochers ; des bords perpendiculaires les rendent inaccessibles au voyageur mourant de soif, moderne Tantale qui, penché sur l’abîme, en aspire avec désespoir les fraîches émanations.

L’habitude qu’ont les indigènes de brûler les buissons et les herbages a dégagé les forêts australiennes de ces millions de plantes qu’on rencontre dans les bois de l’Afrique et de l’Amérique. En Australie, les arbres de haute futaie s’élancent par groupes sur une pelouse verte ; les plateaux ont ainsi l’aspect de parcs artificiels. À voir les hommes et les animaux errer librement sous les ombrages, on se croirait transporté dans le paradis terrestre ; mais le paysage n’est pas partout aussi séduisant. Des voyageurs ont traversé une étendue considérable de pays où l’œil n’apercevait pas un seul arbre, ou des rangées de collines de sable rouge se succédaient sur un espace de plusieurs centaines de milles.

Les colons se sont établis sur les terres fertiles qui avoisinent les rivières. Ils y ont trouvé, sous les arbres, de nombreux pâturages naturels ; l’élève des bestiaux est devenue, en conséquence, leur principale industrie. Les bêtes à laine et à cornes se sont multipliées prodigieusement dans l’intérieur. Le nombre des moutons des brebis sur le territoire de la Nouvelle-Galles du Sud, sans y comprendre les animaux de même espèce répandus dans les autres colonies de l’Australie, était de huit millions en 1847. On y comptait, à la même date, quatorze cent mille boeufs, vaches et veaux. C’est le cinquième du nombre total des bêtes à laine et le tiers des bêtes à cornes que nourrissent l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande réunies. Cette masse énorme de bétail se divise en troupeaux très considérables. Tel propriétaire possède dix mille bêtes ; aussi cette industrie condamne-t-elle les colons sérieux, c’est-à-dire ceux qui font valoir eux-mêmes les terres concédées, à un isolement très rigoureux. Il faut, en effet, un bien vaste parcours pour nourrir dix mille animaux. Le colon pasteur établit sa demeure au centre d’un rayon de huit à dix lieues de diamètre. — Sa maison est construite en bois. C’est généralement un carré long, divisé en compartimens avec une cheminée appuyée contre la seule paroi qui soit bâtie