Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de Foulpointe, que se rendit le commandant de la station. La rade est magnifique ; là du moins, les navires peuvent trouver un abri contre les secousses de la mer. C’était au mois de mai. Nous fûmes favorisés par le temps à notre arrivée : le jour avait été beau. Sur les rochers, sur les arbres dont les flots baignent le pied, sur la mer qui brisait aux écueils, le soleil répandait une clarté empourprée ; l’îlot Madame, vivement éclairé, tranchait sur la verdure délicate et changeante du petit port qu’il abrite ; le feuillage des cocotiers, légèrement agité par la brise du soir, se balançait avec grace dans les rayons mourans du soleil ; plus loin, l’île aux Forbans s’élevait comme une sombre pyramide de verdure ; à ses pieds étendait un lac d’azur, que les brisans entouraient d’une ligne brillante d’écume ; un air doux nous pénétrait, on oubliait les heures dans ce spectacle captivant ; mais, quand le soleil disparut derrière les hautes terres de Madagascar ; ses rayons crépusculaires s’épanouirent dans les vapeurs du soir comme dans un réseau d’or qui s’étendit en voûte sur nos tête : ce ne fut qu’un cri d’admiration.

L’abandon dan lequel on a laissé jusqu’ici l’île de Sainte-Marie ne peut guère s’expliquer que par l’inattention de notre pays et son indifférence pour les possessions lointaines. Nous avons assez dit combien les côtes de Bourbon sont déshéritées de tout abri ; à la première menace de guerre, la marine devrait les déserter, à moins de s’exposer à se faire exterminer d’un seul défilé par une force navale supérieure. Mais, à trente-six heures sous le vent de Bourbon, la nature nous a ménagé un port admirable, un vrai bassin de construction capable de contenir cinq frégates armées, et même un vaisseau de ligne à l’aide de quelques travaux ; des quais de corail, sortis spontanément du sein des eaux, fournissent toute espèce de facilités pour le carénage ; les forêts de l’île sont remplies de bois des plus riches essences pour la marine, exploitables presque sans frais. Tout y est disposé pour la défense de manière à rendre ce port, non pas un poste militaire du premier ordre, mais tel cependant qu’avec 800,000 francs de dépense, il faudrait, pour l’enlever, une grande expédition militaire, et, sous le prétexte que l’île est malsaine, que la fièvre y décime les hommes qu’on y porte, nous restons sans le moindre pied dans l’Océan indien ! Par un hasard heureux, un homme grandi laborieusement dans les grades inférieurs de l’armée, s’est trouvé amené au commandement de ce petit poste, livré jusqu’alors à l’abandon le plus déplorable. L’île lui fournissait une population indigène obéissante et dévouée, il sut l’employer ; les matériaux jonchaient la terre sous sa main ; il les mit en œuvre. Maçon, charpentier, architecte, ingénieur, officier et soldat tout ensemble, il fit sortir du sol d’abord un abri pour ses hommes, et les fièvres perdirent soudain une grande partie de leur action mortelle,