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respiration lui manquait Accablée de chagrin et de souffrances physiques, elle regagna sa chambre et se jeta sur son lit, qu’elle ne put quitter quand le jour parut.

Christine avait vu son père saisir le bras de sa mère, elle l’avait vu la faire brusquement rentrer ; puis, à travers les murs peu épais de la maison, elle avait entendu des larmes, des prières, des reproches. Elle comprit que c’était son sort qui se décidait, que sa pauvre mère s’était dévouée pour elle, et qu’elle était en face du maître dont elle n’osait braver un seul regard.

Christine passa toute la nuit dans une anxiété affreuse, se livrant tour à tour au découragement ou à de joyeuses espérances. À son âge, on ne parvient pas facilement à désespérer de la vie. L’effroi cependant dominait toute autre pensée, et elle aurait donné la moitié de son existence pour qu’on vînt lui parler, pour qu’on lui apprit ce qui s’était passé ; mais le jour s’écoula sans que Wilhelmine parût sur le seuil de la porte, sans que la voix de sa mère se fit entendre : le plus profond silence régnait partout. Gothon entra seule chez elle ; Christine essaya quelques questions : la vieille servante dit qu’elle avait reçu l’ordre de ne pas répondre.

un autre jour s’écoula, rien ne troubla la solitude de Christine, rien ne vint soulever le voile qui lui cachait l’avenir. La pauvre enfant était épuisée, elle n’avait même plus l’énergie de sa douleur. Elle pleurait doucement sans se plaindre, presque sans murmurer.

La nuit vint ; elle s’endormit le cœur gonflé de larmes, l’esprit rempli de craintes. Christine sommeillait depuis une heure à peine, lorsqu’elle fut éveillée par le bruit d’une clé dans la serrure ; la porte s’ouvrit, et Gothon, une lampe à la main, s’approcha de son lit. — Levez-vous, mademoiselle, lui dit-elle d’une voix grave, et suivez-moi. — Christine, encore comme dans un songe, mit à la hâte quelques vêtemens et suivit silencieusement Gothon qui la conduisit vers la chambre de sa mère la servante ouvrit la porte et se recula pour laisser passer Christine. Un spectacle affreux frappa les yeux de la jeune fille.

Annunciata. Pâle et presque inanimée, subissait les dernières angoisses de la vie luttant contre la mort. Ses pressentimens ne l’avaient pas trompée, une trop vive émotion avait brisé les faibles liens qui la retenaient dans ce monde. La lampe qui éclairait la chambre donnait en plein sur son doux et beau visage, que la souffrance n’avait pu altérer ; son front, blanc comme l’oreiller qui la soutenait, portait l’empreinte de la résignation et du courage ; un peu de joie y brilla lorsque Christine parut. Wilhelmine et Maria pleuraient agenouillées au pied du lit de leur mère. Guillaume, un peu à l’écart, tenait à la main un livre dans lequel il avait voulu lire une prière, mais ses yeux s’étaient