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droits des catholiques ; c’est aussi là le sentiment qui, l’an dernier, a soulevé l’Angleterre contre la papauté, lorsqu’on a pu croire que le catholicisme aspirait ouvertement à la domination des consciences. Les mœurs les plus différentes vivent là sous le même toit ; il n’y a p plus d’unité dans la manière de vivre que dans les opinions ; aucune société n’a plus de replis, de coins cachés, de singularités et d’exceptions dans les mœurs que la société anglaise. Dans les institutions, même diversité : les Anglais et les Américains adoptent et appliquent tous les projets sans s’inquiéter de savoir s’ils sont en contradiction les uns avec les autres, mais cherchent avant tout à savoir s’ils sont en eux-mêmes bons ou mauvais, bien que différens dans la forme. Aussi cette tendance générais à la diversité a-t-elle enfanté les deux formes de gouvernement qui se prêtent le mieux au développement des initiatives individuelles : la démocratie et le gouvernement constitutionnel. La démocratie convient en effet aux peuples peu amoureux de l’unité, elle convient surtout aux hommes qui n’aiment ni à commander ni à obéir, mais qui aiment à se commander et à s’obéir à eux-mêmes. Quant au gouvernement constitutionnel, il devait naître naturellement chez un peuple qui ne rejette aucun élément social, mais qui les adopte, tous pour en tirer le meilleur parti possible. C’est une opinion généralement répandue que le gouvernement constitutionnel est le gouvernement le plus savant de tous. Il a été beaucoup question de ce bel équilibre des pouvoirs qui distingue la constitution anglaise, mais on ne s’est avisé d’y trouver tant d’art et de science que long- temps après son établissement ; c’est l’enthousiaste De Lolme, c’est Montesquieu, c’est le méticuleux radical Bentham, qui, par leurs éloges et leurs critiques, ont contribué à lui donner cette réputation. Le gouvernement constitutionnel est peut-être, au contraire, le plus naturel de tous et le moins scientifique ; c’est un simple assemblage de faits opposés. Il est scientifique, nous dit-on, parce qu’il est compliqué ; oui, il est compliqué, comme l’état politique et l’état social d’un peuple qui a eu déjà une longue existence, qui a des traditions qui compte dans son sein des classes d’origine et de date historique différentes, des institutions de toutes les époques ; mais qui ne voit qu’au fond il est parfaitement naturel, qu’il n’est que le résultat d’une entente mutuelle, d’un grand bon sens et d’une saine appréciation des choses ? Là où des classes d’origine diverse se trouvent en présence, elles devront naturellement travailler à s’entre-détruire : l’Angleterre les admet toutes au sein de son gouvernement et leur donne à chacune plus qu’une place au soleil ; elle leur donne à chacune une institution particulière, tout un gouvernement. Cet accord réciproque, cette reconnaissance mutuelle des droits et des privilèges de chaque classe ne se rencontreront jamais chez les peuples qui ont la tradition,