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ment : — les pâtissiers, les fruitiers, les confiseurs du bazar étaient accourus ; c’était à qui offrirait ses gâteaux ou ses sucreries, ses oranges ou ses grenades. Il n’était pas jusqu’aux lions du châh que l’on n’eût envoyés à notre rencontre pour nous saluer de leurs rugissemens. Ces lions étaient simplement tenus par une chaîne de fer passée dans un collier, et obéissaient à deux hommes qui n’avaient pour toute arme qu’une petite baguette de bois vert.

Un peu avant d’arriver aux portes de la ville, nous vîmes successivement venir à nous les secrétaires des diverses légations, dépêchés par leurs chefs pour venir complimenter l’ambassadeur de France. Nous fîmes notre entrée à Téhéran au bruit du canon, au milieu d’une double haie de soldats qui bordaient les rues dans lesquelles nous passâmes. Le tonnerre commençait à gronder, et ses roulemens sourds accompagnaient les éclats de l’artillerie ; les éclairs se succédaient avec rapidité ; quelques larges gouttes d’eau tombèrent au moment où nous arrivions au palais destiné à l’ambassade, et les Persans se hâtèrent de dire qu’Allah nous protégeait, puisqu’il avait permis que l’ambassade atteignît le palais avant l’explosion de l’orage. L’habitation de l’ambassadeur fut aussitôt envahie par tous les hauts fonctionnaires de la ville ; elle ne désemplit pas pendant plusieurs heures. La réception se fit selon les règles de l’étiquette orientale, et chaque visiteur prit place selon son rang autour de vastes tapis où s’étalaient de nombreux plateaux chargés de sorbets et de friandises.

Nous ne comptions passer que quelques jours à Téhéran. C’était à Ispahan que nous devions rencontrer le châh, que d’assez graves intérêts de politique intérieure avaient appelé dans cette ville. Une fois délivrés des réceptions et des présentations d’usage, nous mîmes à profit le temps qui nous restait pour visiter dans tous ses détails la capitale officielle de la Perse. Notre premier soin fut de nous assurer un gîte commode, car le palais destiné à l’ambassade ne pouvait en contenir tout le personnel. On fut obligé de nous chercher des logemens dans les maisons du voisinage, et on eut quelque peine à en trouver. Les riches ne se souciaient pas de nous héberger. Ils donnaient de l’argent aux ferrachs (domestiques) du gouverneur pour qu’ils ne violassent pas leur domicile. Ceux-ci retombaient alors sur les pauvres ou sur les avares pour prélever cet impôt d’une hospitalité gênante. Ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient s’y soustraire à prix d’argent ne savaient pas résister à la crainte du châtiment dont le bâton toujours levé les menaçait. On parvint enfin à nous loger assez convenablement, et nous fûmes établis de manière à ne pas trop mal passer les jours de repos que nous devions prendre à Téhéran.

Cette ville ne compte guère que quatre ou cinq kilomètres de circuit. Les murailles, suivant le mode usité en Perse pour l’enceinte des villes, sont flanquées de tours et se dressent sur l’escarpement d’un large