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nouveaux qui naissent des chemins de fer entre les diverses parties de la péninsule. L’Autriche était logique et fidèle à sa politique, comme les économistes italiens étaient logiques et fidèles à leurs espérances en poursuivant un autre système. Il s’agissait dans leur pensée de relier entre eux tous les états indépendans de l’Italie, de Naples à Turin, pour arriver à compléter cette œuvre par une union douanière à l’exclusion de l’Autriche. C’était là l’ordre d’idées que développait dans un remarquable ouvrage le comte Ilarione Petitti, conseiller d’état sarde. Charles-Albert y joignait une autre conception qui n’était point sans grandeur, et qui, en révélant l’obstination de ses vues secrètes, n’était point faite pour atténuer cet antagonisme dans ce qu’il avait de menaçant pour la prépondérance autrichienne. Il voulait, au moyen de traités internationaux, créer une ligne qui aurait eu pour base le réseau piémontais, aurait traversé la Suisse, les pays du Rhin, et serait allée déboucher à Ostende, — ouvrant ainsi une grande artère entre la Mer du Nord et la Méditerranée, et faisant du port de Gênes le rival de Trieste. Il poursuivait même avec passion cette idée, et partout il rencontrait l’Autriche dans ses négociations en Suisse. Les chemins de fer, cela se voit aisément, ne sont ici qu’un prétexte. Le côté le plus sérieux, c’est celui que tout le monde apercevait et que Charles-Albert n’avait point été le dernier à saisir, celui qu’indiquait le président du conseil actuel du Piémont, M. de Cavour, dans un travail publié en France, en disant que les chemins de fer étaient ce qui pouvait le plus favoriser l’esprit de nationalité italienne. Sous l’apparence de chemins de fer et de commerce, c’était la guerre politique qui s’agitait.

Cette lutte ne faisait que devenir plus nette et plus directe entre la cour de Vienne et le roi de Sardaigne par un simple différend commercial né à l’improviste en 1846. Il y avait un vieux traité de 1751 entre l’Autriche et le Piémont, par lequel les états sardes renonçaient au commerce actif des sels avec les cantons suisses, obtenant de l’Autriche le libre transit par la Lombardie des sels qu’ils tiraient de Venise. Le Piémont ne tirait plus de sels des états vénitiens : la première cause du traité disparaissant, le traité conservait-il la même force ? C’était un doute pour quelques jurisconsultes piémontais. Toujours est-il que, sans se prévaloir de cette interprétation et sans consentir à un commerce direct dans ses propres états, la cour de Turin accordait au canton du Tessin le transit des sels de France. Tel était le point de départ de réclamations pressantes de l’Autriche, réclamations qui n’avaient rencontré jusque-là qu’une résistance décidée à Turin, lorsque le 20 avril 1846 la Gazette de Milan publiait un décret du conseil aulique qui, par représaille, frappait d’un droit