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des modifications. On y voit que dans ce cabinet même l’homme le plus éminent, ou pour mieux dire le seul éminent par son éloquence et par la vivacité hardie de son esprit, Canning, si antipathique à ses collègues, qui ne pouvaient ni s’accoutumer à lui, ni, lorsqu’une rupture les avait séparés, se passer longtemps de l’appui de ses talens, préludait déjà à la scission éclatante par laquelle il devait, quatre ans après, rompre définitivement les liens de la grande coalition formée en 1813.

Une seconde lettre de lord Bathurst, écrite trois jours après la précédente, complète le développement de cette situation.


« La dépêche que je viens de recevoir, y dit-il, me donne lieu d’espérer que l’affaire prend une direction qui nous tirera de nos difficultés. Je pense, je l’avoue, que ce qu’on aurait pu faire de mieux eut été de se séparer sans faire aucune déclaration. Nous savons en effet avec quelle rudesse on a coutume de manier ces papiers d’état dans le parlement, et pour peu qu’en les défendant ou en les interprétant, les divers membres du gouvernement tombent, les uns à l’égard des autres, dans la plus légère contradiction, l’opposition en prend avantage pour découvrir et signaler des disséminions qui, en pratique et pour le moment du moins, seraient autrement sans aucune importance. Je comprends cependant combien il serait difficile à une assemblée constituée comme la vôtre de se séparer sans nous avoir fait une déclaration quelconque : aussi me bornerai-je à dire que plus elle sera générale, mieux cela vaudra… - La grande difficulté consiste dans la manière d’inviter le roi de France à prendre part à ces réunions en tenant compte de ce principe, que le grand objet auquel elles se rapportent, c’est la France elle-même. Si vous leur assignez un objet plus général, nous donnons par là à la quadruple alliance un caractère nouveau, et nous exciterons la jalousie des autres puissances, qui… auront le droit de se plaindre, si elles sont exclues. »


Le jour même où lord Bathurst écrivait cette lettre à lord Castlereagh, lord Liverpool lui envoyait des observations conçues dans le même esprit. Il ne fallait, lui disait-il, rien ajouter aux engagemens antérieurement pris par l’Angleterre, et qui, s’ils n’étaient pas déjà contractés, ne seraient probablement pas acceptés aujourd’hui par certaines personnes ; il fallait même autant que possible éviter de mettre trop en relief les points douteux de ces engagemens : à cet égard, les idées de l’empereur de Russie étaient complètement erronées et inadmissibles ; le projet autrichien au contraire atteignait à peu près le but qu’on devait se proposer.


« En un mot, ajoutait lord Liverpool, tout ce qu’il est nécessaire de dire, c’est simplement que nous adhérons aux traités existans et aux stipulations qui en découlent, et que, toutes les fois que les souverains ou leurs ministres auront occasion de délibérer collectivement sur quelqu’une des questions se