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signaler. On expose sur les points attaqués la doctrine de l’église telle qu’elle a été établie dans les meilleurs conciles, telle que le concile de Trente lui-même, éclairé par le danger, l’a rédigée et quelquefois rectifiée, telle enfin que d’éminens docteurs ont su la concevoir et l’écrire. Puis on suppose qu’elle était ainsi comprise et précitée dans toutes les églises et tous les couvens du XVIe siècle, et l’on triomphe aisément de l’exagération et de l’injustice des attaques. Bossuet lui-même n’est pas exempt de cette méprise. Il présente et discute les doctrines dans ce langage mesuré et sensé qu’il employait avec Leibnitz pour lui montrer qu’on pouvait s’entendre, qu’il adressait à Turenne pour lui rendre sa conversion facile, et le lecteur est alors confondu que des choses si simples, au moins si plausibles, aient pu susciter une si injurieuse agression. Mais, encore une fois, tous les interprètes de la religion ne sont pas des Bossuet, et l’église du commencement du XVIe siècle n’était pas l’église de France de la fin du XVIIe. On sait combien la réforme a moralement amélioré le clergé catholique. Pour nous borner à la question des indulgences, origine de la querelle, on peut concevoir que, puisque dans la confession, l’église, pour remettre les péchés, exige, outre le repentir et la contrition, l’accomplissement de quelques peines qui en sont les signes extérieurs, le saint-siège, dans certains cas, substitue d’autres pratiques aux pénitences ordinaires, et décrète que le pécheur sincèrement repentant qui s’imposera les unes sera exempté des autres. Or c’est là proprement l’indulgence, et dans ces limites, où serait le scandale ? Outre qu’il est singulier, peut-être dangereux pour la discipline morale de faire pénitence pour des péchés à venir, un inconvénient est fort à redouter : c’est que les masses crédules et passionnées à qui l’on remet par avance la peine temporelle du péché entendent qu’on leur remette le péché lui-même. Si cette peine est une aumône recueillie par les soins du prédicateur d’indulgences, celui-ci semble vendre et le pécheur acheter l’absolution. Si le produit de ces dons doit être rendu au saint-siège pour une œuvre un peu mondaine, mais qui lui tienne autant à cœur que la construction de Saint-Pierre de Rome, comment empêcher que des émissaires zélés qui désirent faire preuve de dévouement et de succès ne tolèrent ou même n’encouragent les illusions superstitieuses qui réduiraient la pénitence à un trafic ? Enfin, comme les peines du purgatoire sont temporaires, on peut finir par les assimiler aux peines temporelles, c’est-à-dire extérieures et disciplinaires, et moyennant quelques pratiques matérielles, quelques redevances pécuniaires, le pape semblera revêtu envers les fidèles ou leurs parens, car tout est réversible, d’un droit de grâce au-delà de ce monde, et passera pour leur remettre avec autorité, avant même le péché commis,