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vous me mandez me fait grand’peur, car il paroistra bien étrange que des filles qui ne peuvent pas par elles-mesmes sçavoir de quoi il est question ne se soumettent pas. » Quelques jours après, elle écrit dans le même sens; elle invite à tout signer pour en finir, ou du moins à signer avec l’explication convenue : « 25 mai. Si ces messieurs croyaient pouvoir signer en conscience, je suis toujours dans le sentiment que cela seroit bien mieux, puisque cela termineroit tout; mais je persiste aussi à penser que si on veut bien recevoir leur restriction dans la signature, ils doivent s’y présenter. » Elle applaudit d’abord, ainsi que Mme de Sablé, au mandement des grands-vicaires de l’archevêque de Paris, qui était fort modéré, et expliquait le formulaire dans les termes les plus acceptables. Elle espéra qu’on ne ferait plus aucune difficulté de signer, et que la persécution allait cesser; mais en voyant que la persécution, loin de s’arrêter, devient plus violente, sa prudence et sa modération font place à une douleur déjà mêlée d’indignation : « 30 août (1662). Je ne puis m’empescher de vous décharger mon cœur de la douleur où il est des tristes adventures de nos saintes amies. Hélas! nous en sommes outrées d’affliction. Voilà enfin le sacrifice consommé. Je ne sais si Dieu ne sera point apaisé après une telle offrande. Je vous sens là-dessus très tendrement, je vous assure. Mlle de Vertus, Mlle de Mouchy, M. Le Nain, le père Du Breuil, toute nostre petite société est accablée d’affliction et pénétrée d’indignation d’un tel traitement. Au nom de Dieu, faites-nous-en savoir le détail, et surtout où est cette pauvre mère Agnès (elle avait été transportée au couvent de la Visitation), qui sont celles qu’on a ostées; que je sache aussi où est cette pauvre sœur Anne-Eugénie (une des filles de M. d’Andilly et sœur de la mère Angélique de Saint-Jean); mandez-nous un peu tout ce qui se peut savoir là-dessus, ce que vous ferez, enfin toutes choses. » — «Vous faites fort bien de ne point entrer dans ce couvent, car d’entrer pour leur estre inutile, votre cœur pour elles s’y oppose, et de le faire pour manquer de parole, cela n’est pas possible à une telle exactitude de fidélité que la vostre. Ainsi je comprends bien que vous en avez dû user comme vous faites. Hélas! vous estes trop bonne d’avoir esté saisie de ce que je ne passerai pas l’hiver à Paris. Je vous puis dire avec vérité que la privation de vous voir est la seule chose qui m’en déplaise, si vous en exceptez cette pauvre sœur Marthe (Mlle du Vigean), que j’aime à voir par son amitié pour moi et par sa raison sur toutes les choses où je m’intéresse; mais hors vous deux, et vous dans un ordre unique, je ne me soucie nullement de n’estre pas à Paris. »

Peu à peu, à l’exemple de Mme de Sablé, elle devint une sorte de