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que le voisinage de l’île de Jersey recommande à l’attention; encore les relations de Jersey avec la Normandie et avec Paris seraient-elles infiniment mieux desservies par une branche du chemin de fer de Cherbourg détachée sur Port-Bail que par le plus large canal,

La perspective du creusement du canal maritime du Cotentin a longtemps servi de consolation à l’opinion, très vivement soutenue jusqu’en 1769, que des marais impraticables étaient une ligne de défense précieuse à conserver contre les invasions qui pourraient s’opérer par le nord de la presqu’île. Un canal pourvu sur sa rive méridionale d’un parapet continu n’était admis que comme une atténuation des dangers du dessèchement des marais. Le marquis de Brossac, lieutenant-général, fut le premier qui démontra, dans une inspection qu’il fit en 1763, que cette ligne de défense serait beaucoup plus celle de l’ennemi que la nôtre, et cet avis ne tarda pas à gagner des partisans. Après de longs débats que leur intérêt n’a point sauvés de l’oubli, toutes les questions relatives à la défense de la presqu’île du Cotentin furent déférées, dès les premiers jours du consulat, au comité des fortifications, et une délibération du 17 mai 1801 détermina les bases du système général dont l’application sur le terrain commença en 1804. Il fut posé en principe que, bien loin qu’il convînt d’isoler Cherbourg et la presqu’île, on ne pouvait les lier trop étroitement au reste du territoire, qu’il fallait en conséquence, sans préjudice des moyens défensifs ordinaires, établir au travers des marais sept chaussées, et y creuser, pour le dessèchement et la navigation :


34,750m de canaux principaux;
14,150 de canaux de second ordre;
37,400 de canaux de troisième ordre.

Ces 86,300m de canaux devaient appartenir aux marais de la Douve, les seuls dont le gisement ait une importance militaire. Leur étendue est de 11,313 hectares, et chaque kilomètre de canal devait en desservir 131.

Les évaluations du génie, qu’on peut regarder comme la partie faible de ce beau travail, puisque la dépense correspondante à quelques-unes des prévisions a été triplée, portaient la dépense totale à 4,900,000 francs. Les plus intéressés à la réalisation de ces vues larges et fécondes étaient hors d’état d’y consacrer les capitaux qu’elle exigeait; mais quand il s’agit de la défense du territoire, tout le territoire est solidaire, et c’est par application de ce principe que, sur une somme de 1,767,000 francs, employée de 1804 à 1813, soit au port de Carentan, soit au dessèchement des marais voisins, l’état a fourni 1,665,000 francs, et n’en a demandé que 102,000 aux propriétaires, à la vérité, d’après un décret du 6 juin 1811, la