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Mont-de-Sainte-Aldegonde, dont il portait le titre et qui sert souvent à le désigner, elle était située en Hainaut, à quelques milles de Charleroi. On retrouve ainsi dans ses origines le Savoyard, le Wallon, le Français, le Hollandais. Il semble avoir gardé de la Savoie la forte sève morale ; du pays de Froissard et de Commines, la finesse jointe à l’imagination pittoresque ; de la Hollande, le grand sens, la persévérance imperturbable. Sa vie même ne sera qu’un long effort pour unir et réconcilier ces races.

Soit que ses parens inclinassent en secret vers l’église réformée, soit qu’ils eussent simplement suivi l’exemple d’une partie de la noblesse, le jeune Marnix fut envoyé à Genève avec son frère aîné Jean pour y terminer son éducation, qui s’acheva sous l’œil de Calvin et de Théodore de Bèze. Il puisa à la source même l’énergie de conviction qui devait faire jusqu’au bout sa force invincible. En même temps qu’il s’initiait à la vie nouvelle dans la théologie, il subissait l’influence littéraire de la renaissance. Philippe de Marnix se préparait au grand combat de l’esprit en s’appropriant toute l’antiquité, renouvelée par le XVIe siècle. Il devait compter un jour parmi les hellénistes, et il commentait la Bible dans l’hébreu. Calvin lui enseignait le secret de cette langue française émancipée qu’il devait appliquer avec tant de puissance aux affaires d’état. À cela se mêlait surtout l’impression ineffaçable d’une république naissant au souffle de la réforme ; Genève, en 1558, était déjà remplie de l’esprit de Rousseau.

Revenu en Belgique à vingt et un ans, protestant et républicain, le premier spectacle qui s’offre à Marnix dans son pays est celui des échafauds ; mais les supplices ne s’achevaient plus sans protestations ; il sortait de la foule une sourde rumeur. Quelquefois le peuple dispersait le bûcher avant qu’il fût allumé ; d’autres fois le geôlier lui-même ou ses enfans rendaient la liberté aux prisonniers. Le jeune Marnix épiait ces symptômes de délivrance. Il entretenait[1] en Angleterre et en Suisse une correspondance secrète dans laquelle il exhalait son ardeur de prosélytisme, et ce n’étaient pas seulement les persécutions qui lui arrachaient des cris de colère ; il trouvait une cause non moins grande de douleur dans l’audace inattendue de quelques réformés de Belgique qui, du premier bond, sortaient du

  1. Gerdes, Scrinium Antiquarium, t. III, p. 135, 1752, recueil Important de pièces originales concernant l’histoire de la réforme.